Il ne restera d'eux qu'un vide-grenier
Les enfants des éteignoirs de là-haut vont à l’école dès l’âge de six ans. L’école est une machine à tuer les rêves. Tout comme un assassin a le choix entre l’épée, le poison et la strangulation, l’école a des armes diverses pour accomplir sa besogne : le bulletin de notes, le coin, le bonnet d’âne, le carnet de correspondance ou la retenue. Des armes cruellement efficaces. Les rêves finissent par disparaître tous, comme un vol d’étourneaux dans les nuages. A mesure que les enfants grandissent, les récréations s’écourtent. Le ciel est de plus en plus bas, de plus en plus sombre.
« Les éteignoirs quittent l’école douze ans après y être entrés, affublés de manies inquiétantes. Rien ne sera plus jamais comme autrefois. Ils soupirent sans cesse, comme si du monde ils avaient tout connu. Plus rien ne les étonne. Ils savent… Oui, ces aliborons savent tout et ne s’intéressent à rien. Ils hésitent chaque matin : s’habiller en noir ou en gris, telle est la question. Ils sont tristes… Ils errent à la recherche d’un destin d’occasion, d’un avenir qui ne soit pas trop exigeant… Les bras ballants, le front penché, les épaules penaudes. Ils marchent, croyant désespérément qu’ils finiront par arriver dans quelque endroit qui en vaille la peine. Et lorsqu’ils s’aperçoivent que leur vie n’est qu’un inutile labyrinthe sans la moindre issue, il est trop tard. Trop tard pour rêver. Trop tard pour aimer. La solitude a ourdi sa toile venimeuse autour d’eux. On vendra leurs meubles, les brouillons de leurs lettres, leurs photos, leur lit, leurs fanfreluches et leur précieuse collection de cartes téléphoniques.
« Il ne restera d’eux qu’un vide-grenier.
« Comment aurait-il pu en être autrement ? On ne se souvient pas d’un fantôme. On le croise, on le distingue, puis on l’oublie aussitôt. Pauvres éteignoirs de là-haut.
Guillaume sire
"j'étais un enfant étrange ; je n'aimais pas le gateau au chocolat