Agonies.
J’ai dépassé les quatre-vingts ans. Et de toutes façons je ne suis pas éternel : le jour approche où je dégusterai les pissenlits par la racine. Et vous aussi qui me lisez. Et comme moi, vous ne savez ni le jour, ni l’heure, ni surtout comment, c’est là la grande question à 64.000 €.
Faudrait commencer à y songer. Car il y a mille et une façons de passer de vie à trépas. Plus ou moins marrantes. Il y en a qui sont morts en pleine forme : Monsieur de la Palice, un quart d’heure avant sa mort, vivait encore, nous dit la chanson. Ou le Père Dupanloup qui, dans son cercueil, bandait encore comme un chevreuil. Ca aussi c’est la chanson qui nous l’apprend.
Il y a des morts glorieuses : « de Bara, de Viala, le sort nous fait envie » avons-nous chanté à l’école. Et Guy Môquet a eu droit à une station de métro à son nom. Jeanne d’Arc n’ a eu droit,elle, à Rouen, qu’ au « Grill Jeanne d’Arc », ça il fallait le faire, et les Normands l’ont fait. Mais ça on le sait : les Normands, c’est tous des Cauchons, comme leur évêque.
Plus sérieusement, je pense à mon camarade de combat, le lieutenant Maujean, qui a sauté sur une mine dans la forêt de la Hardt et a agonisé pendant deux heures sans qu’on puisse l’évacuer.
Je pense aussi à tous les petits cons qui se paient un platane dans la nuit de samedi à dimanche au sortir de boîte, à ceux qui se tuent au saut à l’élastique, à ces gars que l’on a jeté dans les oubliettes du château de Pierrefonds où on les a « oubliés », à ce fameux cardinal prêcheur du carême mort « dans l’épectase de l’apôtre », à Laval que l’on a ressuscité après son suicide au cyanure pour pouvoir le fusiller selon les règles, à tous ces gens que l’on retrouve à demi pourris dans leur lit six mois après avoir défuncté.
Et pour vous ça sera quoi ? je vais oser te répondre, meme si la mort est souvent sujet tabou ou tout simplement délicat.
un homme disait : On ne meurt qu'une seule fois, pourquoi avoir peur de la seconde ?
c'est vrai ca.. un jour, j'ai fait un saut d'acrobate, sauter dans le vide, rattraper un trapèze , à 10 m du sol. c'etait un défi que je me lançais, et je voulais y arriver..... j'ai hurlé ma peur le temps du saut... tous les témoins s'en souviennent encore... mais j'y suis arrivée. fière de moi, j'ai voulu recommencer, histoire d'améliorer mon saut. le faire plus joli, agrémenter d'une pirouette ou deux.... et c'est là que la panique est arrivée..... pas moyen de me lancer dans le vide.... de me relancer..... j'avais trop peur.
peur de quoi ? puisque j'avais réussi la première fois.... ben, PEUR. tout simplement... et mon seul recours a été l'echelle de secours.....
idiot, non ?
Pour la mort.... la plus douce possible. j'ai fait l'expérience d'un 38 tonnes, pris de face.... c'est très simple : je ne savais meme pas que je mourais.... Tout le monde était au courant sauf moi. avoue que c'est encore plus idiot que le saut dans le vide.....
ceci dit, dans la famille Jédelachansse, j'ai du tirer la bonne pioche, car d'abord c'etait pas mon heure et ensuite le chirurgien du CHR n'était pas en RTT. Un gros brin de réa, beaucoup de soin et me voilà revenue à la vie.... pour le meilleur et pour le pire..... enfin surtout le meilleur dira t on.
je crois que la mort est la seule chose pour laquelle on se "soumet"... on n'a pas le choix. j'essayerai de bien m'entourer. comme dans la chanson d'Aznavour, ou celle de Bruel. dire aux gens : je pars, mais je vous attends. On se retrouvera de l'autre coté de la barrière. histoire d'entamer une seconde vie.....
c'est peut etre enfantin, mais ca m'ira. et puis comme un défi, je me résoudrai à faire comme tous les gens du cimetière l'auront fait avant moi.... si eux ont réussi à passer ce cap si délicat, je devrais etre moi aussi capable de le faire.... sans trop souffrir.