Tapis rouge
Le Tapis Rouge
Oh le beau tapis rouge que le Chi avait fait dérouler dans la cour d’honneur de l’Elysée pour y recevoir le fils d’émigré du Danube ! Il ne devait pas avoir guère moins de cents mètres de long, je dirais au moins soixante. Ca me rappelle le jour où j’ai eu droit moi aussi à un beau tapis rouge pour moi tout seul. Et comme tous les vieillards, j’ai tendance à raconter ma vie. Alors, tant pis, allons y, ça vous changera de mes commentaires de ségologie royale.
L’histoire se passe à Tachkent, capitale de l’Ouzbékistan comme vous le savez tous, mais qu’y faisais-je ? Ce matin-là, je m’étais réveillé à Singapour en me disant que ce que j’avais à faire en Asie Pacifique était fait et bien fait, et qu’il ne me restait plus qu’à rejoindre l’Europe pour m’occuper un peu de mes enfants.
Taxi pour l’aéroport, mais là-bas pas de vol direct pour Paris. Je saute dans le premier avion pour Bangkok en sachant que là-bas je trouverais mon bonheur. Aussitôt dit, aussitôt fait, et ce jour-là il y avait l’Asian Express, ce vol mythique Bangkok-Copenhague direct de la SAS avec juste un arrêt technique à Tachkent pour refueling.
L’Asian Express, j’en rêvais, je ne sais pourquoi, sûrement à cause du nom , alors pourquoi pas ? Et c’est ainsi, que je m’y suis retrouvé, tout seul, en première, avec deux hôtesses, une suédoise et une thaï aux petits soins pour moi, champagne et fruits exotiques, mangoustans ,ramboutans et même durians. La vie de château…
Arrivée à Tachkent, aéroport soviétique pourtant très fréquenté mais avec peu, très peu d’avions ce jour là, bien que j’aperçoive deux Concorskis dans un coin probablement mis prématurément à la retraite.
L’hôtesse suédoise m’explique : nous sommes le seul vol occidental à faire escale à Tachkent, et il nous faut aller en salle de transit pendant que l’on refait le plein !
Et pour ces nobles étrangers capitalistes de première classe, les Ouzbeks jouent le grand jeu, et se mettent à dérouler un grand tapis rouge entre la salle de transit et l’escalier des premières ! Et voilà, comme Tom Cruise ou Julia Roberts à Cannes, je me retrouve sur un tapis rouge ! Sauf qu’il n’y avait pas de télé pour me filmer !
La salle de transit valait le voyage : un hangar nu, avec quatre tables, une chaise derrière chaque table, et une grosse mémère russe sur chaque chaise. Ils auraient pu nous mettre au moins des jeunes et jolies beurettes ouzbèques, suis pas raciste moi, mais l’Union Soviétique avait tellement peur qu’on lui vole (ou viole) ses ressortissantes que celles qui étaient en contact avec l’étranger à cette époque n’étaient guère consommables. Heureusement, cela a un peu changé depuis. Merci Gorbachev.
La première babouchka proposait deux ou trois cartes postales, mais ne prenait que des roubles. Il fallait alors passer à la deuxième qui acceptait de vous changer quelques dollars, revenir à la première et prendre possession de votre achat. S’ il vous fallait des timbres : c’était l’affaire de la troisième dame, à condition d’avoir changé suffisamment de roubles. Et ensuite passer à la quatrième, la dame des PTT, qui vérifiait votre affranchissement avant d’accepter votre envoi ! Moi, j’ai dû être suspecté d’avoir inscrit des insanités sur mes cartes : aucune n’est arrivée à destination.
Retour par le tapis rouge, mes hôtesses ont changé, une danoise et une thaï cette fois, et, une dizaine d’heures plus tard, la petite sirène apparaissait : J’avais retrouvé l’Europe !
Le Sage Hibou