La chine
La Chine. La Chine. L’ Empire du Milieu. D’ailleurs, Chine et Milieu s’écrivent avec le même idéogramme : un rectangle traversé d’une barre verticale. Car la Chine est le centre du monde. Et quand je suis sur la Place Tien An Men, je le ressens bien que je suis au centre du monde, et l’Europe m’apparaît comme une petite péninsule de rien du tout, tout là-bas à l’ouest, ô combien excentrée. D’ailleurs, la Chine, avec ses un milliard trois cents millions d’habitants, est le pays le plus peuplé du monde. Quand je pense qu’Antoine chantait : « Six cents millions de Chinois, et moi, et moi, et moi ! », il était loin du compte, l’ Antoine, il ne se trompait que de sept cents millions ! Et notre belle Europe à vingt-cinq, et même à trente cinq si on y ajoute la Suisse, la Norvège, la Roumanie, la Bulgarie, la Moldavie et cinq ou six confettis issus du dépeçage de la Yougoslavie , n’arrivera même pas à cinq cents millions ! Mais ce n’est pas tout : la Chine est aussi l’un des pays les plus vastes du monde, dix-huit fois la surface de la France, et tout cela en terres cultivées à l’extrême contrairement à la Sibérie ou au Brésil. Traverser la Chine en avion, bien placé près d’un hublot, et voir défiler pendant des heures ces champs, ces rizières où la main de l’homme a tout aménagé pour un rendement maximal. Car il faut nourrir vingt fois la population de la France. Mais tout cela vous le saviez. Ce qui est impressionnant, c’est que tous ces gens ont la même culture, le confucianisme, la même langue, le mandarin, et la même écriture en idéogrammes depuis… quelque cinq mille ans ! Et qu’ils mangent le même riz avec les mêmes baguettes cylindriques pointues en ivoire dans le même bol qu’ils voudraient en fer. Cet empire a cinq mille ans, il s’agit du seul empire qui soit éternel, qui ait précédé la Grèce, Rome, et qui les ait vu mourir chacun après quelques siècles. Alexandre et Napoléon, ces grands conquérants, n’ont duré qu’un bref instant. La Chine, elle, est toujours là. Et quand je pense à notre petite Europe, avec ses vingt et quelques langues, où le premier ministre estonien ne pourra jamais parler au premier ministre maltais parce que on n’a pas trouvé à Bruxelles ni à Strasbourg d’interprète d’estonien en maltais, alors que chaque premier ministre tient à s’exprimer dans sa langue, c’est une vraie tour de Babel, l’Europe ! La Chine constitue par contre un bloc culturel et linguistique unique dont l’importance ira croissant. Sur le plan culinaire : un peu partout dans le monde, leur cuisine déplace celle des autres. Même à Millau, où il y avait un Mac Do qui irritait tant José Bové, il y a aujourd’hui trois restaurants chinois pour un seul Mac Do ! Comme d’habitude, notre José national s’est trompé de combat : ce ne sont pas les Amerlos qui vont lui piquer son féta, mais les Chinois. Sur le plan économique, c’est encore plus frappant ; la Chine est devenue l’acteur économique N°1 de la planète, le premier importateur de matières premières,d’acier, de titane, d’aluminium, le premier producteur de portables, de télés, d’ordinateurs, de baskets et de petites culottes. Et si demain la Chine se fâchait, les Américaines devront se promener cul nu, elles ne sont plus capables de fabriquer même un string ! Regardez autour de vous : tout ce qui vous entoure est « made in PRC », même votre portable Sagem ou votre souris HP. Sur le plan financier, c’est pire : l’Amérique ne survit que grâce aux cinq cents milliards de dollars qu’ils ont empruntés à la Chine. C’est le monde à l’envers : les Chinois maigres comme des clous qui roulent en vélo finançant ces gros lards de ricains qui prennent leur 4X4 même pour aller au bowling ! Car la Chine tient les States en otage. Et chaque matin Wall Street se demande avec anxiété à quel niveau Pékin va fixer le cours du renminbi pour la journée Car c’est Pékin qui décide, pas Washington . Le drame, c’est le pétrole, les Chinois n’en ont guère, mais leur consommation augmente de façon exponentielle, ne serait-ce que pour alimenter leurs centrales électriques, détraquant ainsi le marché mondial. Et maintenant ils se mettent à la voiture : PSA produit et vend plus de Picasso en Chine qu’il n’en produit et vend dans toute l’Europe . Ce qui oblige Pékin à être copain copain avec l’Iran et à lui passer toutes ses fantaisies. De même, la Chine est obligée de développer sa marine de guerre pour sécuriser la voie, vitale pour eux, qui va du Golfe Persique à Shanghaï en passant par le détroit d’Ormuz et celui de Malacca. Toute l’économie mondiale est ainsi perturbée par l’arrivée de ce nouvel entrant à l’appétit féroce : la Chine est un ogre qui avale toutes les matières premières de la planète, réduisant d’autant la part du petit milliard de nantis qui se les étaient réservées. « Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera », disait il y a deux siècles ce Corse si célèbre. Le monstre s’est éveillé, et tout notre entourage en sera chamboulé. La Chine est un monstre, et il va nous falloir vivre avec. 17/09/06